Originaire de Nicosie, la capitale divisée de Chypre, et dirigé par Antonis Antoniou, le fondateur de Monsieur Doumani et du Trio Tekke, Buzz' Ayaz crée un psychédélisme méditerranéen oriental envoûtant. Leur premier album éponyme est un paysage sonore urbain et flou composé d'électronique dubb, d'orgue psychédélique des années 70, de clarinette basse grondante, d'instruments folkloriques amplifiés, de rythmes rituels et de mélodismes grecs et anatoliens. Les membres du groupe viennent des deux côtés de la fracture de la capitale, et la musique que l'on trouve sur Buzz' Ayaz est une tentative délibérée de donner une voix à la ville dans son ensemble. Un son mercuriel qui résonne au-dessus des murs de béton et des postes de contrôle.
 
Chypre est une destination de vacances pour les habitants de toute l'Europe. C'est une île ensoleillée de la Méditerranée orientale, bordée par la mer bleue, qui a une histoire ancienne et fière. Mais c'est aussi une île divisée, avec des tensions politiques de longue date entre les populations chypriotes grecque et turque. Pourtant, inévitablement, les deux cultures s'entremêlent dans un petit endroit. Dans les rues de Nicosie, la capitale divisée, vous entendrez du rembetiko grec à côté de la pop turque, du psychédélisme anatolien à côté du rock occidental. Ce mélange urbain de sons qu'il entendait chaque jour a fait naître une étincelle dans la tête d'Antonis Antoniou. Avec son nouveau groupe, Buzz' Ayaz, cette étincelle a pris feu, produisant une musique chypriote qui traverse les décennies et les continents, électrique et organique. Le résultat de leur premier album éponyme est une sauvagerie à peine contenue... et une clarinette basse.
 
"C'est la couleur distinctive de notre palette", explique Antoniou. "C'est le son que j'ai entendu pendant des années. J'étais - et je suis toujours - un grand fan du groupe américain Morphine, bien qu'il utilise un saxophone baryton. La dynamique de la clarinette basse électrifiée est le moteur de l'ensemble. Will Scott, qui en joue, est britannique et s'est installé ici il y a quelques années. Nous avons tous dû apprendre à intégrer l'instrument dans notre style en lui donnant l'espace et le respect nécessaires." Buzz' Ayaz a un gros son, une lourdeur percutante qui s'inspire du rock des années 60 et 70, tout en y ajoutant les différentes sonorités de Chypre qu'Antoniou a connues toute sa vie. "C'est un très petit pays, il a donc été difficile de former un groupe avec les bons musiciens. Nous devions être capables de communiquer et d'avoir une bonne alchimie. Tout le monde devait y croire, avoir la même esthétique et les mêmes opinions politiques. Les membres du groupe ne se connaissaient pas auparavant et nous avons commencé à communiquer en ligne en échangeant des idées avant même de nous rencontrer en personne."
 
Une fois dans la même pièce, ils doivent encore se familiariser avec leurs styles respectifs. "Nous avons beaucoup expérimenté et improvisé, et nous avons commencé à trouver notre direction", se souvient Antoniou."J'avais quelques compositions et nous avons commencé à relier les points. Le plus important était d'équilibrer les instruments et de produire un monde sonore solide et interactif. Il fallait que ça groove, que ce soit frais et sauvage. La clarinette basse de Will, mon tzouras électrique (une sorte de bouzouki), puis le synthétiseur basse et l'orgue de Manos Stratis. Notre batteur, Ulaş Öğüç, a une façon unique de jouer. Nous avons fait en sorte que la batterie ressemble davantage à une percussion, qu'elle ne soit pas si pop ou directe. Tout le monde a participé aux arrangements."
 
Pendant deux mois, les quatre membres ont répété ensemble, jouant plus de huit heures par jour. Antoniou déclare : "C'était très agréable. Nous pouvions vraiment passer du temps ensemble, comme ces vieux groupes qui allaient dans une maison de campagne pour se retrouver. Lorsque nous avons joué, j'ai eu l'impression que c'était la version live de la musique sur laquelle j'avais travaillé seul. C'était le niveau suivant". Mais le véritable test consistait à emmener ce tout nouveau son sur la route et à jouer devant un public. Buzz' Ayaz a fait ses débuts sur scène en emmenant son grit de Nicosie dans des festivals et des salles de toute l'île : une réussite !
 
"Oui, la musique est très urbaine. Le folk est également présent, mais seulement en tant que couche de base. Nous représentons les deux parties de la population. J'écris les paroles et je mélange parfois le dialecte chypriote grec avec des mots turcs. Nous sommes tous les quatre des activistes, et cette musique est un moyen de rendre quelque chose à l'île. Il n'y a pas de barrières. C'est simplement de la musique chypriote". Après s'être resserré et aguerri, Buzz' Ayaz est entré en studio. Antoniou l'avait réservé pour cinq jours. Le groupe a terminé l'album en trois jours, utilisant le quatrième pour quelques petites retouches. "L'élément clé du son de l'album est qu'il a été enregistré en direct. Nous l'avons fait comme les gens avaient l'habitude de le faire, en nous réunissant tous dans la même pièce, ce qui lui confère cette énergie."
 
Buzz' Ayaz est le son électrique de la Chypre moderne, le pont musical qui traverse les mondes. C'est la musique qui fait battre le sang d'Antoniou, le son dans sa tête qui prend vie. "Nous travaillons déjà sur le prochain album. Les racines de Buzz'Ayaz se trouvent à Chypre, en Grèce, en Turquie et dans tout le Levant, mais elles se fondent dans les rues de Nicosie."