"Depuis le mois d'avril, explique-t-il, les islamistes du mouvement Ansar Eddine règnent en maîtres sur la ville aux Trois Cent Trente-Trois Saints. Acculés à la misère et brimés par la charia, les habitants n'ont plus qu'une idée en tête : fuir. Reportage exclusif à Tombouctou et diaporama photo inédit de notre envoyé spécial".
"Désormais, il n'y a que deux activités possibles à Tombouctou : aller à la mosquée et rester chez soi." Hallé Ousmane, le maire, cache mal son dépit. Sa ville, inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco, se meurt à petit feu. Les façades sont éventrées, les archives de l'administration ont été détruites, des bâtiments saccagés servent d'abris aux animaux... Plus douloureux encore, les visages hagards. "Tombouctou est une ville fantôme, et moi, je ne suis qu'un notable parmi tant d'autres, peste-t-il".
Selon Baba Ahmed, "[l]a laïcité défendue par le MNLA a fait long feu. Pressés de constituer "l'État de l'Azawad", les rebelles, en négociation avec Iyad Ag Ghali à Gao, ont consenti à tordre le coup à ce principe".
"En l'absence d'Ag Ghali - dont le nom de djihad est Abou Fadil -, c'est son bras droit qui prend la relève. Sanda Abou Mohamed est un Maure de la région. Ascétique et peu bavard, il fait un peu office d'administrateur général, supervisant aussi bien le ravitaillement en carburant que le positionnement de missiles défensifs autour de la ville", signale-t-il.
"Pour le moment, la ville manque cruellement de tout [...]. Logiquement, elle se vide peu à peu de ses 50 000 habitants. Ils fuient la pénurie d'argent et de vivres. Mais surtout la charia, la loi islamique, imposée par ceux qu'ils appellent les occupants".
La vie y a changé, à Tombouctou : "Plus de voiles aux couleurs chatoyantes ni de coiffures coquettes. Fini les veillées où l'on se courtise autour d'un verre de thé. Désormais, les sexes opposés doivent se tenir à bonne distance et les femmes se couvrent soigneusement tête, bras et chevilles. La police islamique y veille".
Les nouveaux maitres de la place prennent cependant soin de ménager la population : le 4 mai, "les islamistes ont profané la tombe de Cheikh Sidi Mahmoud Ben Amar, l'un des Trois Cent Trente-Trois Saints qui font la fierté de Tombouctou. Oubliant leur peur, les habitants ont bruyamment manifesté leur mécontentement. Depuis, les moudjahidine se sont confondus en excuses et ont promis de veiller sur le patrimoine de la ville, dont des milliers de manuscrits, scientifiques, littéraires ou historiques, datant pour certains du XIIème siècle".
"Pas sûr que ces civilités parviennent à calmer la frustration générale. La saison agricole est censée débuter cette semaine, mais les agriculteurs ne peuvent acheter ni semences ni engrais. Le carburant se fait rare, alors que les pompes hydrauliques et les groupes électrogènes fonctionnent au fuel, et que les coupures sont de plus en plus fréquentes", conclue Baba Ahmed.
D'après un article de Baba Ahmed publié sur le portail Web de Jeune Afrique (en lien).