Artwatch Africa, suivre la liberté d'expression artistique

Artwatch Africa, suivre la liberté d'expression artistique
  • Artwatch Africa, suivre la liberté d'expression artistique
© Artwatch
Genre : Projets culturels
Contact Nadia Nkwaya
Pays principal concerné : Rubrique : Histoire/société
Mois de Sortie : 2014
Publié le : 30/01/2014
Source : http://www.arterialnetwork.org/projects/artwatch-africa-monitoring-freedom-of-cultural-expression-initial-research-published
http://www.arterialnetwork.org/projects/artwatch-africa-monitoring-freedom-of-cultural-expression-initial-research-published

La liberté de la création artistique est nécessaire au développement de cultures vivaces et au bon fonctionnement des sociétés démocratiques. Les expressions et créations artistiques font partie intégrante de la vie culturelle. Pourtant, elles se trouvent souvent soumises à risque parce qu'elles véhiculent des messages particuliers ou présentent des idées alternatives qui remettent en question le statut quo ou sont considérés comme le faisant.


Ces derniers temps, il y a eu un intérêt croissant pour la question de la liberté d'expression artistique.



En 2012, une étape importante a été franchie avec la tenue de la première Conférence mondiale sur la liberté d'expression artistique en Norvège organisée par Freemuse et Fritt Ord. Cette initiative a été suivie par la création du ARTSFEX " Arts and Freedom of Expression Network ". Artsfex est un réseau de la société civile internationale, composé d'organisations et d'individus activement impliqués dans la problématique du droit des artistes à la liberté d'expression.



La deuxième étape importante  a été la publication en mars de cette année du rapport sur le Droit à la liberté d'expression et à la créativité par le Rapporteur spécial des Nations Unies dans le domaine des droits culturels, Farida Shaheed. Ce rapport exhaustif s'est basé sur les réponses de 28 États et 23 autres organisations qui ont répondu à un questionnaire administré à l'échelle mondiale.



Prenant acte de cet effort mondial visant à protéger le droit à l'expression artistique, Arterial Network, en collaboration avec Mimeta et en conformité avec son mandat qui est de défendre les droits des artistes, a mis en place Artwatch Africa, un projet visant à suivre les défis et les contraintes qui pèsent sur ??la liberté d'expression créative dans les pays africains, y compris les diverses formes de censure qui prévalent dans certaines régions.



 En exposant les différentes atteintes à la liberté d'expression artistique et en soutenant les artistes et autres créateurs en difficulté dans la réaffirmation de leurs droits, le projet Artwatch entend contribuer au développement de la démocratie et aux droits de l'Homme en Afrique.



RAPPORT ARTWATCH AFRICA 2013



Après une étude couvrant 70% de l'Afrique pour 2011 et 2012, Arterial Network a publié un rapport préliminaire sur l'état de la liberté d'expression créative en Afrique en 2013.



L'objectif de cette évaluation était de recueillir des données sur l'état actuel et la persistance de la répression artistique dans les pays africains. Ces répressions prennent le plus souvent la forme d'une marginalisation sociale et de censure gouvernementale. Dans cette optique, les cadres juridiques, la religion, les normes sociales, les traditions et les pratiques des administrations publiques ont été examinées. Le résultat de cette étude  a été la production d'une série de profils par pays sur l'état de la liberté artistique.



Le rapport 2013 est une première étape importante vers la compréhension des restrictions aux libertés d'expression créatrices sur le continent. Néanmoins, ce rapport est loin d'être exhaustif et nécessite une vérification et des recherches supplémentaires avant d'être diffusé plus largement. En conséquence, le réseau Arterial ne partagera que les conclusions de ce rapport préliminaire.



A partir de 2014, le réseau Arterial fera de ce rapport une publication annuelle.



Les différents profils de pays qui composent ce rapport ont démontré que les artistes restent particulièrement exposés dans certains pays. Etant donné que la nature de leur travail et de leur engagement se situe dans le domaine public, les Etats, les groupes religieux et sociaux essaient souvent d'interférer en bloquant les différentes visions du monde et leurs récits alternatifs. Il existe des cas très graves d'infractions et de restrictions à la liberté d'expression artistique sur le continent africain. Même dans des pays comme la Namibie et les Seychelles, avec des niveaux de libertés artistiques relativement élevées, il y a encore du travail à faire afin d'atténuer l'impact des restrictions visibles et invisibles. Le présent résumé donnera une idée des tendances en matière de liberté d'expression artistique sur le continent africain.



TENDANCES GÉNÉRALES SUR LE CONTINENT AFRICAIN



Cadre juridique:



La majorité des Etats africains affirme soutenir les droits et la liberté d'expression dans leurs constitutions, dans certaines lois ou, dans les conventions régionales et/ou internationales desquelles ils sont signataires.



Il y a une grande disparité de situations sur le continent. Certains pays, comme les Seychelles ont ratifié tous les principaux textes protégeant la liberté d'expression créative tandis que d'autres, comme la Somalie et l'Érythrée n'ont pas de constitution.



Certaines constitutions protègent expressément la liberté d'expression artistique en affirmant dans leurs textes la protection de la "créativité artistique" ou "création artistique". D'autres font référence au droit à "l'expression artistique / créative"," la liberté de création "," la démarche artistique ", " la créativité culturelle ", ou font référence à la liberté des arts. De nombreuses constitutions protègent la liberté artistique d'une manière implicite car elles reconnaissent les droits à la liberté d'expression, à participer à la vie culturelle, à accéder à la culture et le développement culturel.



Bien qu'une vaste majorité des pays ait adopté des cadres de politique culturelle, ces politiques sont rarement accompagnées de mécanismes de mise en œuvre et de suivi.



La population touchée par ces restrictions:



Le rapport montre que les obstacles à la liberté de l'expression créative ont un impact non seulement sur les artistes eux-mêmes, mais aussi sur un large éventail de personnes qui participent à la création, la production, la distribution et la diffusion d'œuvres d'art. Il souligne également que certaines catégories de la population sont plus particulièrement visées. Dans des pays comme la Mauritanie, le Soudan et le Rwanda les femmes artistes ou celles qui souhaitent s'engager dans une carrière artistique sont susceptibles d'être marginalisées. Au Sénégal, en Mauritanie, en Egypte, et au Niger, les artistes issus des minorités ethniques et religieuses sont également touchés par les restrictions à la liberté artistique. La Mauritanie et le Niger sont les pays qui ont encore un système de castes rigide qui favorise la classe des " nobles". Les artistes et griots faisant partie d'une caste inférieure.



Dans le sud du Bénin, par exemple, la teinture du tissu est l'exclusivité de la famille royale Yemadje. La fabrication de tambours et la composition des rythmes de tambour sont également limitées à certaines familles. Une restriction similaire se trouve également au Rwanda, et au Burundi où les femmes ne sont traditionnellement pas autorisées à être tambourinaires.



Restrictions religieuses



Il semble que plus un pays est religieux, plus les artistes sont menacés dans leur pratiques.



Islam



La montée des mouvements fondamentalistes comme Al-Shabaab en Somalie et Boko Haram au Nigeria a eu un impact très négatif sur la liberté d'expression artistique. Dans les régions septentrionales du Cameroun, les influences de groupes religieux extrémistes comme Boko Haram ont conduit à l'émergence de la censure envers tout œuvre considérées comme "phénomène social immoral", car associé à la pornographie, l'homosexualité et la prostitution.



L'imposition stricte de la charia et sa censure sur de nombreuses formes de musique non-religieuse est la restriction la plus notable à la liberté artistique. En vertu de la loi islamique, les questions relatives au sexe, à la sexualité et l'orientation sexuelle, en ce qui concerne la religion et la morale sont très controversées et soumises à la censure et la répression.



Au Mali du Nord par exemple, Septembre 2012, a vu l'interdiction par des militants islamistes de toute musique du pays. Les militants armés ont menacé de mort des musiciens locaux, beaucoup ont été contraints à l'exil. Les salles de concert ont été fermées et les militants ont mis le feu à des guitares et batteries. Les Artistes en Libye ont également du mal et ont été accusés de blasphème ou de diffamation religieuse.



Christianisme



L'Islam n'est pas la seule religion qui restreint la liberté d'expression artistique. En effet, dans de nombreux pays chrétiens, les œuvres qui ont pour objet, représentent ou exposent la nudité sont généralement interdites et associées à la pornographie. À cet égard, l'Ouganda semble être un pays chrétien très restrictif. Les œuvres qui représentent ou exposent la nudité tombent généralement sous la loi anti-pornographie de 2010. Les références à l'homosexualité, ou les descriptions de relations homosexuelles dans la littérature, la musique et les arts visuels sont criminalisées et peuvent tomber sous la loi contre l'homosexualité de 2009.



Au Rwanda et en République Démocratique du Congo (RDCC), les "églises de réveil" sont de plus en plus présentes et leur influence est de plus en plus importante. Elles tiennent une place de choix dans les restrictions de la liberté d'expression artistique. Elles ont leurs propres chaînes de télévision et de radio où la tendance est à censurer toutes les musiques qualifiées de "non-chrétienne" et considérées comme païennes, sataniques, contre les préceptes religieux ou comme véhicule de la sorcellerie.



Croyances animistes



Au Bénin, les œuvres artistiques concernées par les restrictions comprennent celles qui citent les textes sacrés ou utilisent des symboles et des figures religieuses. Par exemple, il est interdit pour les artistes d'adopter ou imiter dans leurs créations, les costumes attribués aux divinités (Sapata, dieu de la terre, Ninssouhwé, dieu de l'eau ou Egun, dieu des ancêtres). Une autre interdiction est liée aux chants divins. Les artistes ne sont pas autorisés à reproduire les mélodies ou les paroles de chants interprétées dans les temples de divinités. Cela résulte en une sorte de restrictions esthétique.



Restrictions politiques



Les gouvernements africains semblent ambivalents dans leurs positions envers la liberté d'expression. D'une part, ils adhèrent généralement aux droits et libertés fondamentales et d'autre part, ils ont tendance à se donner des clauses de sauvegarde afin de pouvoir utiliser la loi et l'ordre comme un moyen légitime de refuser aux citoyens ces droits et libertés. Un certain nombre de gouvernements s'engagent officiellement dans la direction de la liberté d'expression  cependant leur notion développée de la culture contemporaine est trop vague et incohérente, alors que leur notion de la culture traditionnelle est trop minimisée et sous-estimée.



Les Etats se réfèrent souvent à la nécessité de réguler la diffusion des expressions artistiques considérées, par exemple, comme des appels à la discrimination, à la haine et à la violence contre des groupes spécifiques ou personnes, comme de la propagande pour la drogue ou de contenu pornographique. La nécessité de protéger les enfants et les adolescents contre les contenus spécifiques, tels que la violence ou la pornographie extrême, le droit à la vie privée et les droits moraux et matériels des auteurs est également  mentionné. Parfois, des restrictions politiques prennent leur origine dans les traditions du pays.



Dans de nombreux pays, les personnalités publiques, y compris ceux qui exercent l'autorité politique la plus élevée, ne peuvent être soumis à la critique et l'opposition politique. En Ouganda, par exemple, le temps des élections est généralement une période très dangereuse pour les artistes critiques. Au Malawi," insulter" le président est une infraction au regard de la Loi sur le drapeau, les emblèmes et les noms de 1967. Toute personne qui manquerait de respect au président, est passible d'une amende de £ 1000 et d'un emprisonnement de deux ans.



À cet égard, le Royaume du Swaziland semble être le pays le plus strict. Tout sujet traitant de l'environnement politique ou critiquant le gouvernement ne peut être diffusé sur les ondes. En outre, il y a une série de lois et coutumes non écrites qui limitent directement ou indirectement la liberté artistique. Des concepts tels que la Umlomo Longacali Manga - "Le roi ne peut pas mentir" ou comme Kubulawa -"  le roi ne peut pas avoir tort " résultent souvent en une limitation de la liberté artistique parce que les artistes ne peuvent pas critiquer le chef du gouvernement.



Censure



La censure en Afrique existe sous des formes différentes. Les pratiques de censure sont imposées à diverses étapes de la création artistique. Les réponses au questionnaire indiquent qu'un certain nombre d'États ont encore la censure inscrite dans leur constitution.



Bien que la censure informelle existe, de nombreux pays ont mis en place des institutions chargées de censurer les oeuvres d'art. Ces organismes sont généralement autorisés à émettre des restrictions de distribution dans le domaine de la presse, du cinéma et du divertissement.



En Tunisie, des comités de censure religieuse ont été établis. Ces comités de censure ont le pouvoir d'autoriser ou d'interdire la publication de livres, pièces de théâtre, de représentations de danse et de films. Un "système de visas" est prévu et requiert l'acquisition d'une autorisation avant de produire l'art ou collecter des fonds. Au Malawi, également la loi de censure et de contrôle de 1968 réglemente les films, les spectacles publics et toute publication pour des raisons de moralité publique.



L'autocensure est également un fait très commun. Cette situation est souvent l'héritage d'années d'oppression, durant lesquelles les artistes ne pouvaient pas exprimer librement leurs points de vue ou critiquer le système. Cette crainte continue de faire partie de la société et de retenir l'expression créative.



Dans de trop nombreux cas, les réglementations sont mises en pratique sans cohérence par des mécanismes non-transparents, et sans possibilité d'appel. Le cinéma et la musique sont les formes artistiques les plus touchées.



Questions économiques et financières:



Les réponses au questionnaire montrent que la plus grande contrainte que les artistes rencontrent dans leur travail réside dans leur situation économique et sociale précaire. En Namibie, par exemple, il existe une importante forme d'exploitation économique des artistes et de leurs compétences par les manager artistiques, les institutions gouvernementales et même les bailleurs de fonds et les entreprises. Cela affecte évidemment la liberté d'expression créative. Une situation similaire existe au Malawi où les artistes sont vulnérables à l'intimidation du gouvernement, car il est la principale source de financement et de reconnaissance. A l'île Maurice, un artiste a été interdit de financement public sous le motif que le contenu de sa pièce possédait des éléments qui pouvaient potentiellement créer un incident diplomatique. Les fonds publics ou autres avantages sont parfois utilisés pour intimider et censurer les artistes.



En ce qui concerne le soutien financier de l'État dans le secteur de la culture, il est important de noter qu'en moyenne, le budget alloué à la culture dans la plupart des pays africains dépasse rarement 0,55% du budget total du pays, avec un minimum de 0,17% - Côte d'Ivoire et un maximum de 1,25% - Tunisie. Ces données ne sont pas disponibles en Erythrée, en Ethiopie, en Somalie, en Libye, au Soudan et au Sud-Soudan.



 



Cas de la répression




Tous les mécanismes de répression / oppression ont été trouvés sur le continent. Les formes les plus communes sont les menaces, suivies par les arrestations, le harcèlement, la mise sous liste noire et la marginalisation sociale, et enfin, les attaques directes. La Somalie et l'Érythrée sont deux pays où l'on retrouve l'assassinat et l'enlèvement comme forme de répression. Le châtiment physique se trouve également au Soudan et au Sud- Soudan.




IMPLIQUEZ-VOUS:



En 2014, Arterial Network mettra en œuvre la prochaine phase du projet Artwatch Africa. Il s'agira notamment de l'engagement d'un coordinateur de projet qui sera en charge de conduire les activités suivantes: la documentation sur les violations de la liberté d'expression artistique ; le suivi des progrès des gouvernements qui se sont engagés par la  signature des conventions internationales; l'organisation de formations aux droits de l'Homme pour le secteur culturel; la recherche et la publication de premier rapport Artwatch Africa à l'attention du grand public.



Arterial Network souhaite récolter le plus d'informations possibles concernant le travail qui a déjà été accompli dans la liberté d'expression artistique. Les informations recherchées comprennent les questions suivantes :



1) Qui sont les africains chercheurs / universitaires travaillant dans le domaine de la liberté d'expression/ d'expression artistique?



2) Quelles sont les initiatives qui se déroulent en ce moment?



3) Qui sont les artistes engagés à défendre la liberté d'expression artistique / ou la liberté d'expression sur le continent?



4) Quels sont les institutions africaines (par exemple : les universités, les think tanks, etc) qui ont un intérêt ou travaillent activement dans ce domaine?



5) Quels sont les espaces existants (Festivals, ateliers) qui encouragent la liberté d'expression artistique?



Nous constituons une base de données qui sera mise à la disposition du public via notre fitur site  internet en 2014.



Pour plus d'informations, veuillez contacter:



Nadia Nkwaya



Chargée de recherche - Arterial Network 



25, Commercial Street



8001 Le Cap, Afrique du Sud



E-mail: nadia@arterialnetwork.org



Tel: +27 21 465 90 27

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