Journal de bord de la Quarantaine #3 (Récréâtrales-Ouagadougou)

L'équipe des Récréâtrales vous invite à découvrir le Journal de bord de la Quarantaine. Ainsi, vous aurez tout le loisir d'être informé sur ce qui s'y passe au jour le jour...
Journal de bord de la Quarantaine #3 [...]
Genre : Communiqués de festivals
Pays principal concerné : Rubrique : Théâtre
Mois de Sortie : Janvier 2010
Publié le : 18/01/2010
http://lesrecreatrales.blogspot.com/
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par Olivier COYETTE

14/01/10

"Questions dramaturgiques",

Animées par Kouam Tawa, Arezki Mellal, Ildevert Meda, Luca Fusi, Olivier Coyette.



Ce n'est pas seulement qu'il parle comme un porc, l'homme moderne, mais c'est qu'il exige, avec son étrange dictature, son étrange dictature qu'il appelle pouvoir d'achat, que tous parlent comme des porcs, et que soit porcinement retiré tout espoir en la Parole.



Olivier PY, Epître aux jeunes acteurs pour que soit rendue la Parole à la Parole, Actes Sud, coll. "Apprendre"



Le compte-rendu de ce jour ne sera pas composé de questions, comme pour les textes analysés les 12 & 13 janvier, mais des réflexions passionnantes et passionnées qui ont animé la table de travail, autour du projet de l'équipe camerounaise, Entre stèles et tertres.

L'équipe camerounaise a choisi pour son projet d'aborder le plateau sans texte préalable, en travaillant à partir d'improvisations basées sur des questionnements politiques, et spécialement ceux qui portent sur les rapports entre "histoire et pouvoir".

La base de cette réflexion prend sa source dans ce que l'auteur appelle un "prétexte" : les "monuments" réservés à Leclerc et à Douala…

Pour Leclerc, le colon, une colonne de pierre ; pour Douala, résistant à la colonisation, un arbre qui fut déraciné et dont subsiste un monticule de terre.

Une métaphore, donc, entre stèles et tertres, au sujet de ceux que l'on conserve en mémoire et de ceux que l'on oublie. (si je commets une erreur dans l'explication de ces deux noms merci de bien vouloir me corriger)

Pour l'équipe dramaturgique, ce point de départ est le bon.

La situation part d'un lieu concret, ouvert à tous les possibles, riche de multiples situations dramatiques potentielles.

Mais dans la note d'intention de l'équipe, plusieurs points posent question, à commencer par l'absence d'un synopsis, ou d'une liste des scènes à travailler lors des improvisations.

En effet, c'est le théâtre, et non l'essai politique ou philosophique, qui est le but de la Quarantaine ; dès lors, sans projet de séquences dramatiques, comment y parvenir ?

L'équipe nous envoie des "notes de travail" prises lors de ces derniers jours de répétitions ici aux Récréâtrales. Ces notes, curieuses et intéressantes, riches de mille possibles mais sans direction précise, ne permettent pas à l'équipe dramaturgique de se faire une idée générale de l'orientation des recherches prises par l'équipe camerounaise.

Nous retournons alors dans la note d'intention initiale de l'équipe, et nous y lisons des phrases qui suscitent notre étonnement :

La Compagnie Acor entend explorer une méthode de création inédite en rupture avec les traditions du théâtre. Comment ? Pourquoi ?

Cette méthode va dans le sens de l'affranchissement du spectacle par rapport au texte.

Pourquoi ? Qu'y a-t-il d'autre, ou "de plus", que le texte, qui vaille la peine que l'on y consacre l'objet de ses recherches ?

De plus : une fois "affranchis" du texte, quelle sera la démarche suivie pour aller vers le théâtre ?

A ce stade, Arezki Mellal signifie à toute l'équipe des dramaturges qu'à ses yeux, le texte seul véhicule la pensée- et non la danse, par exemple.

Ce point nous arrête longuement, car les points de vue divergent autour de la table, et en tous cas nous entamons une discussion en vue d'obtenir de la part d'Arezki des précisions supplémentaires sur cette déclaration très forte qu'il vient de faire.

Par manque d'outils adéquats, je ne peux reproduire ici la teneur des arguments développés par Arezki, mais j'espère qu'il trouvera le temps lui-même de développer sa pensée dans un futur billet qu'il nous partagera.

Cette discussion sur le texte, et sur la valeur du texte (sur le texte de valeur), m'amène à dire que nous, les artistes, nous devons défendre le "Poème", ou la "Parole", au risque de paraître pédant, par rapport à ceux qui utilisent le texte pour abrutir ou abêtir un peu plus les populations.

(Une remarque judicieuse de Luca Fusi indiquant que le texte ne sert pas toujours la pensée : il suffit de regarder les "télénovelas" sud-américaines, pleines de dialogues creux ; repenser aussi à la déclaration de Patrick Le Lay, ancien patron de TF1, définissant sa mission de patron de chaîne télévisée comme étant celle de quelqu'un qui "vend du temps de cerveau disponible à Coca-Cola" ; le cerveau des téléspectateurs, donc. Par ailleurs, Luca indique que lui, en tant qu'Italien, vient d'un pays où l'image est très forte, recèle une véritable valeur esthétique, et qu'en Toscane par exemple il y a une tradition de la beauté, dans les paysages, mais aussi à travers les œuvres artistiques, picturales et architecturales).

Sur le point de l'importance du texte, je complète la discussion en citant Olivier Py, dans le texte de son indispensable pamphlet, Epître aux jeunes acteurs pour que soit rendue la Parole à la Parole. (la citation se trouve en début de "note"). Nous parlons alors de la Querelle du Festival d'Avignon en 2005, où Jan Fabre, un "plasticien", était l'hôte discuté et chahuté de la Cour d'Honneur. La discussion embraie sur les "installations" et autres "performances", contre lesquelles Arezki dit n'avoir rien, mais "il faut qu'on me prévienne", et "ça n'est pas du théâtre".

Encore une fois, nous ne pouvons qu'intensément souhaiter qu'Arezki prenne la parole pour partager avec nous le fond de sa pensée, car je ne peux malheureusement pas ici développer tous les arguments passionnants et raisonnés qu'il a développés au cours de notre échange à la table de travail.

Dans la note d'intention de l'équipe camerounaise, nous relevons encore :

La scène est première et engendre une matière protéiforme, qui devient notamment le texte de théâtre.

Ah ! Donc ils ne veulent pas supprimer le texte : nous soupirons de soulagement, tout en étant intrigués par leur approche.

J'entends m'atteler à une mise en pièces de la dramaturgie conventionnelle, confiée non plus à des personnages mais à des "personnes".

Mettre en pièces, c'est très bien, mais concrètement nous constatons que l'équipe camerounaise passe pour ce faire par l'improvisation et la création collective, patrimoine artistique des recherches des années 70, et par l'écriture automatique, apanage des surréalistes, lors des années 30 :

J'entends (…) écrire de manière instantanée.

Nos questions concernent cette volonté de "sortir des sentiers battus" tout en prenant le risque de les emprunter sans les (re)connaître ; et sur l'absence de matériau de théâtre comme base de travail, mais plutôt de pensées de tous ordres : politique, historique, philosophique, poétique…

En discutant avec l'auteur, nous comprendrons plusieurs aspects de cette recherche, mais pour autant le débat sur le texte de théâtre, et, de manière plus générale, sur le texte comme véhicule de la pensée ne sera pas clos.

***
L'équipe des Récréâtrales

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