La Ruche Sony Labou Tansi remet ça

Un projet réalisé et coproduit par :
Association Ecritures Vagabondes - Paris
Nouveau Théâtre d'Angers - Centre Dramatique National Pays de la Loire
Association SEBEN-Bamako

Le Théâtre c'est l'écriture
Depuis quelques décennies, le soutien à la création théâtrale africaine permet la diffusion des spectacles à travers le continent africain et à travers les pays du Nord.
La circulation de metteurs en scène et d'auteurs à travers les festivals du Sud et du Nord favorise la confrontation et l'exploration de voies différentes et nouvelles.
Elle permet également de présenter une image plus "positive" de l'Afrique d'aujourd'hui.
Le soutien aux auteurs africains est plus diffus. Or, l'écriture est un métier. Il devient donc urgent de cultiver un "jardin d'écrivains" dans un espace situé sur le continent africain, de repérer, d'encourager, de faire connaître ces écritures nécessaires à la réflexion du monde d'aujourd'hui replié sur lui-même.
Les résidences se développent dans les pays du Nord, elles ont fait leurs preuves, mais les terres des pays duSud n'ont jamais eu la possibilité jusqu'aujourd'hui d'inscrire cette même expérience.
La confrontation entre auteurs, le partage d'expériences, la vie quotidienne en immersion dans une autre culture sont stimulants. Ils permettent de réviser certains points de vue et de s'ouvrir plus largement aux autres.
La Ruche Sony Labou Tansi : le projet, le dispositif
Conçue par Monique Blin et Claude Yersin, La Ruche Sony Labou Tansi III est une co-production entre Ecritures Vagabondes, le Nouveau Théâtre d'Angers et l'association malienne Sebèn.
Il s'agit de faire venir pendant un mois au Mali, des auteurs dramatiques venus d'horizons divers. Le groupe, constitué d'écrivains expérimentés et d'autres en début de parcours, vit une double expérience : le partage et la rencontre avec la réalité malienne.
Dans cette idée de partage il y a un point de départ un peu volontariste qui consiste à former un groupe d'individualités réunies par une passion commune : l'écriture théâtrale et, plus largement, le théâtre, de lui proposer un mois de vie collective au cours duquel chacun prend connaissance du travail et des démarches d'écriture de l'autre et livre à son tour son expérience et ses questionnements d'auteur.
Ce groupe a pour mission de rencontrer les réalités d'un pays à travers ses acteurs culturels et les représentants de la société civile : intellectuels, enseignants, acteurs sociaux…
Enfin, des espaces personnels sont ménagés dans l'organisation du séjour afin de permettre à chacun de poursuivre une recherche poétique personnelle.
Des déplacements en région à Mopti et Ségou sont inscrits au programme de la Ruche 2003.
Pour assurer la densité du séjour avec un programme soutenu, Monique Blin, Monique Hervouët et Claude Yersin accompagnent en 2003 le groupe, se chargeant sur place du programme de rencontres, débats, visites, de l'organisation pratique, tout cela se faisant en concertation quotidienne avec les auteurs et les partenaires maliens, permettant au groupe d'infléchir la résidence en fonction des préoccupations et des souhaits qui surgissent au gré des rencontres...
Installé à la Maison du Partenariat de la XVlle d'Angers, au coeur de Bamako, le groupe bénéficie d'une infrastructureà la fois adaptée aux exigences de la solitude et aux nécessités de réunions et de regroupements. Cette mise à disposition par le Maire d'Angers accroît la qualité de la résidence.
Pour rendre plus vivantes les rencontres entre auteurs, metteurs en scène, comédiens, Monique Hervouët et Claude Yersin, en concertation avec Monique Blin, sélectionneront les textes des différents auteurs et organiseront presque chaque soir des séances de lecture.
Enfin, la figure de Sony Labou Tansi est associée à cette résidence. Manière de saluer la mémoire d'un auteur africain novateur et exemplaire, hélas trop tôt disparu…
Sélection des auteurs
La sélection des auteurs se fait sur présentation d'un projet d'écriture, accompagné d'un livre ou d'un manuscrit précédemment écrit, d'une biographie et d'une bibliographie.
Le comité de lecture est constitué par des membres de l'association Ecritures Vagabondes et du Nouveau Théâtre d'Angers et quelques partenaires ; l'association SEBEN sélectionne les auteurs maliens. Les auteurs choisis le sont sur la base d'auteurs confirmés et d'auteurs "en pépinière".
Ces contacts doivent permettre de stimuler la nouvelle génération auprès de leurs aînés, de bénéficier de leur maturité et de leur expérience. Chaque aîné en deviendra en quelque sorte le "parrain" ; il conseillera et suivra son "filleul" de retour au pays.
Chaque auteur apportera des livres et manuscrits de son répertoire pour une circulation pendant la résidence.
Pour faire bien connaître la Ruche, il est nécessaire d'impliquer les universités, les lycées, la bibliothèque du C.C.F., les médias.
Un retour est prévu à Angers à l'automne 2004, organisé par le Centre Dramatique National dirigé par Claude Yersin.
Lectures, mises en espace, spectacles, débats, seront au programme. "Ecritures Vagabondes" organisera d'autres escales à Paris et en France.
Les ministères de la Culture (DRAC) et de l'Education Nationale (rectorats, universités, lycées, collèges…), et diverses associations y seront associés.
Calendrier de la résidence
En 2003 la Ville d'Angers mettra à disposition la Maison du Partenariat Angers-Bamako en novembre-décembre.
Collectif de réflexions
Adama Traoré, directeur d'Acte Sept et du Festival des Réalités (Bamako Mali)
Monique Blin, directrice du Festival International des Francophonies à Limoges de 1984 à mars 2000, présidente de l'association Écritures Vagabondes (Paris France)
Moussa Diagana, auteur, sociologue, expert du PNUD (Mauritanie-Mali)
Claude Yersin, comédien, metteur en scène, directeur du Centre Dramatique National d'Angers
Gestion du projet
Elle sera assurée par l'association SEBEN à Bamako pour la partie africaine et Monique Blin, présidente d'Écritures Vagabondes - Paris et le Nouveau Théâtre d'Angers pour la partie française.
Pourquoi une résidence d'écriture au Mali ?
Pourquoi une résidence d'écriture, une de plus, et pourquoi une résidence dans un pays qui serait le Mali, et pourquoile Mali ?
Il ne s'agit pas d'une simple délocalisation. Il s'agit plutôt et surtout du sort même de l'écriture et de sa place, celle du livre en Afrique.
Autant on peut dire de l'écriture qu'elle est un don, autant on peut se rendre compte que ce don a besoin avant tout de s'exprimer, de grandir et de s'épanouir au grand jour, à l'air libre au risque de s'étioler et de s'évanouir.
L'un des problèmes qui se pose aux auteurs africains est le rapport qu'entretient la société avec l'acte d'écriture qui se pose d'abord comme acte individuel intérieur, comme acte de retour sur soi, de retrait du monde ambiant pour participer un temps à un monde de l'imaginaire. J'avoue comme beaucoup d'auteurs, j'en suis sûr m'être souvent caché du regard des autres, parents, amis, étrangers dont la ronde bruyante, chaleureuse et oh combien indispensable n'aurait pas compris. L'auteur peut être salué, consacré, honoré. L'acte d'écriture lui reste quelque chose d'incongru.
Difficilement admissible en effet qu'une part du temps de tous les jours (Dieu sait s'ils sont suffisants) soit gaspillée au temps de l'imaginaire et de l'esthétique. Le sommeil n'est-il pas fait pour cela ? On dira souvent de l'auteur en train d'écrire, pour le taquiner sous le voile du mépris, qu'il est un rêveur, isolé du monde, coupé des réalités, la tête dans la lune.
Un devoir d'urgence s'impose donc au risque de voir se rétrécir le cercle des auteurs, d'en faire des clandestins cachant honteusement sous le manteau leurs papiers pour éviter de se faire prendre à rêver. Devoir d'urgence devant le risque d'en faire au bout du compte des " socialement et politiquement corrects " ayant les pieds sur terre et la tête bien accrochée au quotidien et au temps de tous les jours pour mieux courir après le temps. Temps de l'argent qu'il faut gagner au plus vite, temps de la première ou deuxième voiture qu'il faut s'acheter pour aller avec l'air du temps, de la deuxième ou la troisième villa qu'il faut acquérir ou simplement temps des condiments qu'il faut trouver pour améliorer le quotidien.
Et quand l'argent tarde à se laisser gagner, ne plus chercher à le gagner, ce serait perdre du temps, mais le prendre là où il est le plus facile et le plus rapide à trouve : les caisses de l'Etat, qui sont tout le temps vides.
Il faut pourtant dans ce temps-là que l'écriture gagne ses lettres de noblesse, qu'elle fasse les pieds de nez à la "conjoncture" qui nous tue à petit feu. Il faut qu'il y ait des gens pour s'arrêter ne serait ce que le temps d'un mois.
S'arrêter de courir après la " conjoncture " pour prendre plume et écrire. Il faut qu'il y ait de l'autre côté des gens qui en voient d'autres s'arrêter de courir après la "conjoncture" pour savoir qu'on n'en meurt pas.
Faire savoir enfin qu'écrire c'est respirer la vie des autres, c'est participer à la vie des autres. Et participer à la vie des autres, c'est le prix de la réhabilitation du "lire" et de "l'écrire"
Réhabiliter l'écriture en Afrique, c'est familiariser le public au travail de création, au travail de l'écrit et au loisir de la lecture. C'est enfin donner à l'acte de création toute sa valeur sociale.
La rencontre d'écriture telle que nous la concevons devra être un lieu de retraite pour créer mais également un lieu d'échange pour partager, découvrir l'autre, s'émerveiller de l'autre à travers l'échange entre l'autre et son milieu, entre les auteurs et la société, entre les auteurs et la jeunesse scolaire et estudiantine pour la familiariser avec le travail de création et lui donner le goût de la lecture.
C'est le défi lancé pour la "RUCHE SONY LABOU TANSI"
Moussa Diagana
Sociologue, auteur
Bamako, le 20 décembre 2001