Le conflit autour du spectacle Milaloza

Sollicitée par les comédiens pour rendre public leur appel, Africultures publie les différents points de vue.
  • Le conflit autour du spectacle Milaloza
Pays principal concerné : Rubrique : Théâtre
Mois de Sortie : Décembre 2004
Publié le : 08/12/2004

La rédaction d'Africultures a été approchée le 15 novembre 2004 par le représentant des comédiens du spectacle Milaloza se plaignant des conditions qui leur étaient faites par l'administration franco-africaine de ce spectacle, et nous demandant de publier leur appel.
Etant partenaires de ce spectacle dont nous soutenons médiatiquement la tournée française, nous nous sommes alors adressés à ces responsables pour leur demander des explications.
Par souci d'équité dans l'information et conscients que de telles accusations peuvent être très préjudiciables à tous, mais aussi puisque les comédiens burkinabè avaient rendu public leur appel auprès des financeurs du spectacle, nous avons décidé d'informer les internautes des griefs exprimés mais avons tenu à solliciter et publier aussi la réponse de l'administration concernée que l'on trouvera ensuite.
Il ne nous appartient pas de prendre une quelconque position dans cette affaire, qui aurait demandé une véritable enquête d'investigation. Nous avons cependant tous appelé à plutôt tirer les enseignements de ce conflit pour que de tels malentendus ne se reproduisent plus. C'est également dans ce souci que nous publions la lettre des comédiens et la réponse de leur administration.
Olivier Barlet, pour la rédaction d'Africultures

LETTRE D'EXPLICATION DES CHANGEMENTS INTERVENUS SUR LA LISTE DES COMEDIENS POUR LA TOURNEE FRANÇAISE DU SPECTACLE MILALOZA

Nous soussignés comédiens et comédiennes ayant pris part aux sessions de formation de "LECTURE A HAUTE VOIX" du 18 Novembre au 02 Décembre 2001 à Ouagadougou, du 18 au 25 Février 2002 à Bamako et du 18 Juillet au 10 Août 2002 à Bobo Dioulasso et à la création originale dénommée "MILALOZA, l'enfant qui cherche le malheur" de Jean-Luc Raharimanana dans une co-mise en scène de Bernadette Baratier et Laure-Marie Legay, avons l'honneur, par la présente, de faire un bref historique du parcours dudit spectacle MILALOZA dont la tournée en France est programmée du 08 Novembre au 18 Décembre 2004 afin de lever tout questionnement que pourrait soulever ce spectacle eu égard aux changements de dernière heure intervenus.
En effet, à l'issue des trois sessions de formation, 16 comédiens ont été retenus pour la création du spectacle original ci-dessus cité avec les contributions financières du CITF, de l'AFAA et de l'ADAMI. Pour cela, CASTING SUD, en partenariat avec la MAISON DES ACTEURS de Saint-Denis, a signé un contrat avec ces comédiens fixant le délai d'exécution, le salaire de ces derniers et les modalités de leur paiement comme suit :
- Délai d'exécution = 67 jours
- Cachet par comédien = 1 000 000 FRANCS CFA
- Modalité de paiement proposée : en trois (03) tranches : 1er tranche : 200 000 FCFA à la signature du contrat ; 2e tranche : 200 000 FCFA, le 08 Février 2003 ; 3e tranche : 600 000 FCFA, le 02 Avril 2003 après le spectacle finale. Mais qu'en était-il de la perception de ces tranches par les comédiens ?
- La 1ère tranche a été perçue, avec 10 jours de retard.
- La 2e tranche n'a été perçue qu'à moitié environ, le reste ayant été prêté par les comédiens à la Production, à court d'argent, qui en a fait la demande afin de pouvoir mener à bon terme la création dangereusement hypothéquée par une sécheresse financière à son niveau, prêt non remboursé jusqu'aujourd'hui.
- En ce qui concerne la 3e tranche, 1/3 seulement a été perçu en Octobre 2003, c'est à dire avec un retard de six (06) mois. Le paiement de tout le reste des arriérés était promis aux comédiens, que nous sommes, sur un fonds du C.I.T.F attendu pour au plus tard le 31 Décembre 2003, paiement jusqu'aujourd'hui. Ce n'est qu'en Avril 2004 qui nous apprenions de la bouche de la Directrice de la maison des acteurs que le financement avait été encaissé mais utiliser pour son redressement judiciaire..
Une 1ère tournée européenne annoncée pour Octobre 2003 pour laquelle des comédiens avaient décliné d'autres offres de contrats a été annulée à une semaine environ de sa date d'exécution faute de financement. C'est encore dans cette situation de non paiement d'arriérés que nous comédiens avions accepté dans un esprit sacrifice de faire la tournée nationale dans neuf (09) C.L.A.C au mois de Janvier 2004, la tournée de deux semaines financée par le P.S.I.C n'a durée effectivement qu'une semaine. Le reliquat de ce financement a été reversé dans la caisse de CASTING SUD et considéré comme son bénéfice réalisé sur la tournée.
Le 09 Septembre 2004, CASTING SUD a convoqué les comédiens pour annoncer une tournée en France, l'actuelle, prévue pour la période du 08 Novembre au 18 Décembre 2004 inclus. A cet effet, une disponibilité a été demandée aux comédiens, disponibilité acquise sans aucune forme de procès. A propos de cette tournée, nous, comédiens concernés, avons reçu les informations suivantes :
- Durée de la tournée : six (06) semaines ;
- Des spectacles et animations sont prévus dans quatre (04) villes ;
- Le théâtre de Meaux a acheté douze (12) représentations à 305 ? l'une
- Les comédiens seront pris en charge (logement, restauration et déplacement nécessaires aux spectacles) ;
- Les comédiens auront des perdiems de 75 ? par semaine chacun
- Les comédiens auront des cachets de cent mille (100 000) FRANCS CFA par semaine chacun. Il nous a ensuite été notifié, par la bouche de la Directrice de casting sud, que les cachets ne seront pas reversés aux comédiens en France, immédiatement après le dernier spectacle, mais seront virés dans le compte de CASTING SUD qui se chargera de payer les comédiens une fois retournés à Ouagadougou. Mais après combien de temps de tracasseries administratives ce paiement aura- t-il lieu ? Personne n'en a le secret de la réponse. Fort de l'expérience du parcourt, nous comédiens avons demandé à ce que :
- La totalité des arriérés nous soient payés avant notre départ pour la tournée Française.
- Des précisions sur le nombre de représentations et d'animations par semaine.
- La révision de nos cachets à la hausse.
Nous avons été informés par la Directrice de la maison des acteurs la structure française partenaire de CASTING SUD que cette dernière à son compte la subvention reçu d'AFRICALIA pour la descente du Fleuve Niger (Tournée Africaine de MILALOZA) qui suffirait à payer les arriérés sans nuire à la poursuite du projet.
CASTING SUD a confirmé cela, mais dit être dans l'incapacité de payer parce que cet argent est mis dans un compte bloqué jusqu'au 21 Décembre 2004.
Nous, comédiens, en difficulté financière, avons trouvé la possibilité de régler ce problème auprès de nos banques, la possibilité que CASTING SUD pouvait faire une traite avalisée de sa banque, ce qui permettrait à notre banque de nous accorder un découvert au montant demandé. Cette proposition à l'amiable a été catégoriquement refusée par CASTING SUD qui préfère avoir a faire à une autorité judiciaire qu'elle nous impose de trouver et à qui nous devons payer les honoraires nous-même ainsi que les frais assimilés, ce que nous n'avons pas trouvé juste parce que c'est CASTING SUD qui demande cette autorité. C'est au cours de cette négociation que nous avons été informé qu'une sélection d'autres comédiens avait été faite et leur liste envoyée à la Maison des Acteurs de Saint Denis en remplacement de notre liste. Douze comédiens ont donc été remplacés sur les seize (16) comédiens de départ, et cela, à dix (10) jours environs de la tournée (il faut signalé qu'aucun de ces comédiens de remplacement n'ont part au différentes étapes des formations que nous avons reçus. Vu que les demandes de subvention de cette tournée ont été faites avec nos noms, nous avons jugé nécessaire de vous adresser cette note explicative afin que vous compreniez pourquoi nous ne faisons plus partie de la présente tournée. Espérant que cette note contribuera effectivement à vous éclairer sur cette aventure mystérieuse où MILALOZA cherche le malheur pour les comédiens, nous vous prions de bien vouloir trouver ici l'expression de nos sentiments les plus sincères.
Ouagadougou, le 04 Novembre 2004

Ont signé les comédiens dont les noms suivants :
1 - BAMBA François Moïse
2 - ILBOUDO Flora
3 - SANKARA Jean Christian
4 - SANGRE Boureima Modibo
5 - OUEDRAOGO Gérard
6 - KABORE Patrice
7 - KONTILIGUISSONKO Rahamane
8 - KONE Mariam
9 - KIENOU Madéni
10 - NGONNDINGAMLEGOTO Alram Nguebnan
11 - BOBELLE Toûdeba
(Nous ne signerons cette lettre qu'à onze (11) noms car Evelyne KONOMBO qui avait été écartée aussi est malheureusement décédée ce jour 04 Novembre 2004 à 14 h 58mn à l'Hospital YALGADO OUEDRAOGO à Ouagadougou laissant un enfant de moins de un an. Paix à son âme.)

Pour toute information vous pouvez nous joindre par l'intermédiaire des quatre personnes représentant le collectif :
- BAMBA François Moïse au 70 23 90 66
- NGONNDINGAMLEGOTO Alram Nguebnan au 70 26 40 79
- KONTILIGUISSONKO Rahamane au 76 62 02 73
- SANGARE BOUREIMA Modibo au 78 85 57 04

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Georgette PARE pour Casting Sud
Catherine HALLER pour La Maison des Acteurs
Bernadette BARATIER pour La Maison des Acteurs

Saint-Denis, le 6 décembre 2004

Cher Olivier,

Tu nous informes que François Bamba insiste auprès de toi, afin d'obtenir la publication par Africultures du courrier que le "collectif de comédiens de MILALOZA" a adressé à toutes les structures ayant financé notre projet (avec copie à Casting Sud et à La Maison des Acteurs) et tu nous sollicites pour que nous donnions notre point de vue. Nous t'en remercions.

Nous ne l'avons pas fait jusqu'alors, considérant que c'était là un conflit interne au projet, et devant être résolu entre nous mêmes et les comédiens concernés, même si des personnes extérieures à nos deux structures ont déjà pris part au débat.

Nous y répondrons aujourd'hui, puisque ce débat semble devoir devenir public, et adresserons copie de notre réponse à tous les destinataires du courrier du "collectif des comédiens", ainsi qu'au collectif lui-même.

Tu connais ce projet depuis longtemps, et tu sais combien il nous tient à cœur. Nous l'avons commencé, et tu étais présent, au FESPACO 2001, par :
- d'un côté une action publique : un espace librairie installé à l'Hôtel Indépendance, espace dans lequel nous avons invité des écrivains, des réalisateurs et des comédiens à échanger sur la question de l'écriture et du cinéma et dans lequel nous avons proposé des lectures publiques. Cette action a été menée en partenariat entre Casting Sud (Ouagadougou), La Maison des Acteurs (Saint-Denis), la librairie Folies d'Encre (Saint-Denis) et la librairie Pages (Ouagadougou),
- d'autre part des ateliers de réflexion sur les droits des comédiens, en partenariat entre Casting Sud, La Maison des Acteurs et l'ADAMI.

Ces deux volets constituent le cœur de la convention de partenariat qui lie, depuis lors nos deux structures (Casting Sud et Maison des Acteurs). Ils ont parallèlement été développés, chacun à son rythme :
- pour la réflexion sur les droits : au FESPACO 2003, puis au MASA 2003 et maintenant une proposition pour le FESPACO 2005. Casting Sud participe activement par ailleurs au travail mené au Burkina Faso pour la création d'un statut de l'artiste. Nos deux structures ont participé au "Forum National sur le Statut de l'Artiste Burkinabé", à Bobo-Dioulasso, les 29 et 30 mars 2004,
- pour la lecture à voix haute : nous avons, dès le mois de décembre 2001, répondu à une demande de formation, formulée par des comédiens à la suite du FESPACO, et proposé un programme d'ateliers (Ouagadougou, décembre 2001 – Bamako, février 2002 – Bobo-Dioulasso, juillet/août 2002), puis, le travail évoluant, une création de spectacle (Ouagadougou et Bob–Dioulasso, janvier/février/mars 2003) MILALOZA, l'enfant qui cherche le malheur… Le texte en a été commandé à Jean-Luc Raharimanana. Le spectacle a été présenté au CCF de Bobo-Dioulasso et de Ouagadougou en février/mars 2003, puis dans le cadre du salon du livre de Ouagadougou en décembre 2003, puis lors d'une tournée (financée par le PSIC) dans les centres de lecture au Burkina Faso en janvier 2004.

Si le volet "ateliers sur les droits des artistes" n'a, pour sa part, rencontré aucune difficulté de financement, l'ADAMI soutenant activement ce projet, il n'en a jamais été de même pour la partie formation et création. Nous avons eu, tout au long de ces trois années, les plus grandes difficultés à trouver des soutiens financiers qui sont, toujours, intervenus de façon décalée, voire très décalée, par rapport au calendrier des actions menées. Cela nous a semblé normal, nos structures n'étant pas connues des institutions en charge de ce type de projets pour des interventions antérieures. Cela a néanmoins été une lourde charge pour tous les participants.

La Maison des Acteurs a, pour sa part, assumé les avances de trésorerie jusqu'à se mettre en danger, et à se retrouver sous contrôle financier durant huit mois, de novembre 2003 à juillet 2004, date à laquelle un jugement a été rendu, autorisant l'association à continuer ses activités. Il nous a, durant cette période, été impossible de débloquer quoi que ce soit. Nous avons dû alors, pour ces raisons financières, surseoir à la tournée française envisagée fin 2003. Tous les participants au projet ont toujours été, au fur et à mesure, informés de cette situation. Une partie des salaires de la création n'ayant pu être versée aux comédiens en temps et heure, garantie leur a été donnée du paiement de cette dette à l'occasion des tournées, puisque aussi bien la CITF (pour une tournée en France) que AFRICALIA (pour une tournée au Mali) nous garantissaient de pouvoir mener à terme la totalité de nos actions.

Nous avons, en permanence, gardé une conscience aiguë des difficultés engendrées, dans la vie des comédiens, par ces retards de paiement. Nous n'avons, à aucun moment, envisagé de ne pas prendre nos responsabilités.

La situation actuelle nous trouble profondément et nous attriste. Nous avons en effet, tout au long de ces trois années, parlé longuement et régulièrement, tous ensemble, des problèmes rencontrés car nous pensions qu'avec honnêteté, patience et respect mutuel, nous serions à même d'aller, tous, au bout de cette aventure. Nous avons, à plusieurs reprises, géré ensemble des conflits et des situations délicates qui nous ont toujours permis d'avancer.
Le conflit d'aujourd'hui nous laisse penser que nous avons touché, chez nous-même et chez les comédiens, "quelque chose" de profond, que, apparemment, personne n'a pu clairement exprimer.

Le contrat pour les tournées a toujours été séparé du contrat de la création. S'il a été dit que chacun serait libre de continuer ou pas, donc de signer ou pas un nouveau contrat, nous n'avons jamais envisagé, sauf pour des raisons personnelles incontournables, que les personnes engagées dans cette aventure depuis le premier jour, n'iraient pas jusqu'au bout.

Les propositions pour les tournées en France et au Mali, sont, financièrement, à la hauteur des ventes signées et des subventions attribuées. Le financement de la CITF a été, pour sa part concernant la création, immédiatement versé à Casting Sud et a servi à payer des salaires. Sa part attribuée à la tournée en France est actuellement utilisée. La subvention de AFRICALIA, expressément soumise à la réalisation de la tournée au Mali, sera débloquée dès fin 2004 , la tournée ayant lieu du 3 au 24 janvier 2005. Chaque comédien est en possession d'une reconnaissance de dette (à échéance du 22 décembre 2004 et au nom de Casting Sud, signataire des contrats de travail), pour ce qui concerne le non perçu sur le cachet de la création. Nous avons d'ailleurs, sur ce sujet et après avoir épuisé tous les recours amiables, conseillé aux comédiens d'en référer à une autorité judiciaire, comme prévu dans les contrats. Ils ont dit ne pas vouloir s'en saisir.

Nous avons, avant le départ pour la tournée en France, laissé à chacun un délai de réflexion maximum, jusqu'à mettre en péril la tournée elle-même (dernier délai donné pour la signature des contrats le vendredi 29 octobre à 12 h, pour un départ de Ouagadougou le dimanche 7 novembre à 23h 40), nous laissant 4 jours 1/2 pour obtenir toutes les autorisations indispensables (certificat du Ministère de la Culture Burkinabé, autorisation de travail en France, visas). Cinq des comédiens ont signé. Nous avons dû, pour ne pas mettre en péril les deux tournées, honorer les contrats signés mais aussi notre dette auprès de tous les comédiens, engager cinq artistes supplémentaires et faire la reprise du spectacle.

La tournée en France est aujourd'hui dans sa phase finale. Georgette PARE, de retour à Ouagadougou le 19 décembre prochain, s'acquittera de la dette auprès des comédiens de la création.

Voilà Olivier ce que nous pouvons dire sur cette question. Nous restons, bien sûr, à ton entière disposition pour toute information complémentaire et t'adressons nos sincères salutations.

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