Copie du facsimilé adressé par le cpj au président Gbagbo

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Pays principal concerné : Rubrique : Média
Mois de Sortie : Avril 2004
Publié le : 02/04/2004
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Committee to Protect Journalists
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New York, le 30 mars 2004


Monsieur le Président de la République
Laurent Gbagbo
Présidence de la République
Palais de la Présidence
Abidjan, Côte d'Ivoire

Via facsimile: (225) 20 32 90 77


Monsieur le Président,

Le Committee to Protect Journalists (CPJ) est profondément troublé par la
série d'agressions dont des journalistes ont été victimes de la part des
forces de l'ordre durant les récentes manifestations d'opposants en Côte
D'ivoire. Plus d'une demi-douzaine de journalistes ivoiriens ont fait état
d'agressions physiques par des membres des forces de l'ordre, tandis qu'un
nombre de journalistes plus important encore a fait l'objet
d'interpellations, d'intimidations ou d'autres formes de harcellements alors
qu'ils couvraient ces manifestations.

Le 25 mars dernier, des milliers de manifestants ont protesté dans les rues
d'Abidjan à l'appel de l'opposition. Le but de cette manifestation était de
dénoncer la non-application d'une partie des dispositions des accords de
paix de Marcoussis signés en janvier 2003 entre le Gouvernement et les
rebelles, et en particulier le non-transfert de certains pouvoirs
présidentiels vers d'autres autorités désignées. Cette manifestation, qui a
causé la mort d'au moins 25 personnes, aurait été organisée dans le but "de
saper les bases de l'Etat", selon des propos que vous attribue l'Agence
France-Presse.

Voici quelques exemples de journalistes et collaborateurs de presse qui ont
fait l'objet de harcellements de la part des forces de l'ordre au cours de
cette manifestation :

* Dembélé Al Séni, Agbola Mesmer, Le Patriote. Al Séni et
Mesmer, respectivement journaliste et photographe pour le journal privé
d'opposition Le Patriote, ont été agressés tandis qu'ils couvraient la
manifestation. Al Séni et Mesmer ont été arrêtés par la police alors qu'ils
observaient les manifestants depuis le magasin d'une station service, selon
Al Séni. Après que l'un et l'autre eurent décliné leur qualité de
journaliste, ils ont été conduits au poste de police, puis sévèrement
battus, avant d'être relâchés. Les deux hommes ont ensuite été soignés à
l'hôpital. Ils n'ont pas été en mesure de reprendre leur travail.

* Kady Sidibé, Le Patriote. Sidibé, photographe pour Le
Patriote, a été arrêtée par un membre de la Garde Républicaine tandis
qu'elle couvrait la manifestation dans le quartier Treichville, dans le sud
d'Abidjan. Elle a été battue après avoir décliné sa qualité de journaliste,
puis conduite au poste de police où elle a été accusée, selon elle, d'être
une rebelle, et menacée d'être violée et tuée. Elle a été détenue durant
plusieurs heures avant d'être relâchée. Selon le rédacteur en chef du
Patriote, l'appareil photo de Sidibé a été confisqué par la police. Il n'a
pas été restitué à ce jour.

* Guira Safi, Soumahoro Vamara, Kone Malick, Le Libéral
Nouveau. Safi, Vamara et Malick, respectivement correctrice, chauffeur et
informaticien au quotidien d'opposition Le Libéral Nouveau, ont été
violemment agressés par des gendarmes. Les trois hommes revenaient de leur
travail et se rendaient à leur domicile lorsqu'ils ont été interpellés à un
barrage et interrogés. Les officiers ont commencé à les frapper après que
les journalistes eussent indiqué qu'ils travaillaient pour Le Libéral
Nouveau. Safi et Vamara ont par la suite été conduits à l'hôpital, d'où ils
ne sont sortis que le 28 mars. Ils n'ont pas été en mesure de reprendre leur
travail.

* Habiba Dembélé, Dramé Lancine, TV2. Des Gardes Présidentiels
présents à un barrage ont arrêté le véhicule à bord duquel se trouvaient
Dembélé, journaliste à la télévision publique TV2, et Lancine, cameraman à
la même télévision. Selon des sources locales, les Gardes Présidentiels
avaient interpellé plusieurs manifestants et ont demandé aux journalistes
d'arrêter de les filmer. Après que les journalistes eussent montré leurs
cartes professionnelles aux Gardes Présidentiels, ceux-ci les ont menacés de
violences physiques, indiquant qu'ils savaient où ils habitaient et qu'ils
les tueraient. Les Gardes Présidentiels ont saisi le carnet de notes de
Dembélé, de même que la caméra vidéo des journalistes et les clés de leur
voiture. Ils ont demandé à Lancine d'effacer les images de sa cassette.
Selon des sources locales, un officier de l'armée qui serait arrivé à ce
moment serait intervenu et aurait demandé aux Gardes Présidentiels de
restituer le carnet de notes, la caméra et les clés de voiture. Les
journalistes ont ensuite été relâchés.

* Laurent Banga, Joseph Konan, TV2. Une autre équipe de TV2,
composée du journaliste Banga et de son caméraman Konan, a été arrêtée et
conduite au poste de police, où elle a été retenue durant plusieurs heures,
avant d'être relâchée sans charge.

Il s'agit seulement de quelques uns des nombreux cas de journalistes qui ont
affirmé avoir été physiquement attaqués, menacés, intimidés ou harcelés de
différentes manières par les forces de sécurité ivoiriennes durant les
événements de la semaine dernière. Dans la quasi-totalité des cas, les
journalistes ont indiqué avoir été spécialement visés à cause de leur
profession.

En plus des agressions physiques individuelles contre les journalistes, le
CPJ déplore la censure de plusieurs stations de radio durant et après la
manifestation.

Trois stations de radio étrangères - RFI, la BBC et Africa N°1 - ont été
victimes d'interruptions inopinées des retransmissions FM à Abidjan, au
milieu de la journée du 25 mars. Un porte-parole de RFI, cité par l'AFP, a
indiqué le 25 mars que ces interruptions de retransmission n'étaient pas
dûes à des raisons techniques mais "probablement délibérées", en raison
des "tensions" en ville.

Les émetteurs de ces trois stations de radio sont gérées par une entreprise
locale, SITEL, et sont installés dans un même immeuble situé au coeur de la
"zone rouge" qui entoure le palais présidentiel, périmètre que les forces
gouvernementales ont déclaré zone interdite le 25 mars. Selon les sources du
CPJ, des individus non identifiés ont délibérément déconnecté les émetteurs,
sans pour autant dérober aucun matériel. Les équipes techniques n'étaient
pas en mesure d'accéder au site jusqu'à lundi, étant donné le statut de zone
interdite. Les émissions ont repris aux alentours de une heure du matin
(heure locale) mardi. Aucune explication officielle n'a été donnée, en dépit
des demandes des journalistes.

Le CPJ est très préoccupé par ces agressions contre les journalistes et par
ce qui s'apparente à des actes de censure en Côte d'Ivoire. Les tensions
récentes entre le parti pro-gouvernemental du Front Populaire Ivoirien et
l'opposition, ainsi que les heurts violents entre les partisans de ces deux
mouvances, ont créé un environnement de travail dangereux pour les médias.

En tant qu'organisation de journalistes dédiée à la défense de nos collègues
dans le monde entier, nous estimons qu'il revient aux gouvernements de
mettre en place les mesures appropriées afin de garantir que les
journalistes puissent couvrir les affaires d'intérêt public dans des
conditions de sécurité convenables. Il est particulièrement inconcevable que
les forces de sécurité soient maintenant impliquées en toute impunité dans
des actes de harcèlement à l'encontre de journalistes.

Nous vous prions, Monsieur le Président, d'instruire l'ensemble des forces
de l'ordre afin que cesse immédiatement toute agression à l'encontre de
journalistes, de faire en sorte que les membres des forces de l'ordre qui se
sont rendus coupables d'agressions au cours de cette manifestation soient
traduits en justice, et de veiller à ce que les journalistes soient en
mesure de couvrir les actualités librement, sans crainte de représailles.

Nous vous prions également, Monsieur le Président, d'ouvrir une enquête afin
de déterminer les raisons pour lesquelles la retransmission des émissions de
RFI, de la BBC et d'Africa N°1 ont été interrompues pendant et après le
manifestation du 25 mars.

Nous vous remercions, Monsieur le Président, pour l'attention que vous
voudrez bien consacrer à cette lettre.

Dans l'attente de votre réponse, nous vous prions, Monsieur le Président, de
bien vouloir agréer nos salutations les plus respectueuses.


...OLE_Obj...
Ann K. Cooper
Directrice

CC:
American Society of Newspaper Editors
Amnesty International
Article 19 (United Kingdom)
Artikel 19 (The Netherlands)
Canadian Journalists for Free Expression
Freedom Forum
Freedom House
Human Rights Watch
Index on Censorship
International Center for Journalists
International Federation of Journalists
International PEN
International Press Institute
Lorne W. Craner, U.S. Assistant Secretary for Democracy, Human Rights, and
Labor
The Newspaper Guild
The North American Broadcasters Association
Overseas Press Club
Reporters Sans Frontières
The Society of Professional Journalists
Louise Arbour, U.N. High Commissioner for Human Rights
World Association of Newspapers
World Press Freedom Committee



==
Julia Crawford
The Committee to Protect Journalists
330 Seventh Ave., New York, NY 10001
212-465-9344 x112
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