Il y a aussi cette réalité, qu'il faut du temps à la matière pour prendre forme : le temps de la réflexion-maturation, le temps d'errer dans son sujet, le temps du doute et de l'incertain. Quand un artisan-artiste commence à façonner une matière brute, sans aucune forme, il n'a que des idées plus ou moins précises de ce qu'il veut. Au fur et à mesure de son travail, quelque chose prend forme : tantôt une structure d'ensemble, tantôt des bribes et fragments, et malgré les vertiges de l'indécision, c'est cet objet qui émerge au fur et à mesure, acquiert peu à peu ses contours, son identité, un sens à la fois formel, esthétique et émotionnel.
Il faut donc bien prendre le temps des ratures, des rajouts, des effaçures, des reprises, des ajustements et réajustements, jusqu'à épuisement...
J'ai voulu relater cette expérience, depuis mes carnets de notes jusqu'au tournage puis au montage et remontage, dix ans de ma vie, soit le temps de mon imbibition. Les responsables de l'édition et de la composition visuelle ont choisi la redondance comme figure de style majeure pour mettre en pages ce petit livre au plus près du ressassement obstiné qui m'a mené jusqu'aux ressacs de mon histoire touarègue.