à 11 heures précises

Un Noir a-t-il le droit de ne pas aimer le manioc ? Qu'est-ce qui peut pousser un avocat français à dénoncer les crimes d'Etat de l'Occident contre d'autres peuples ? A moins d'être un dénominateur commun, l'impertinence est le bouclier avec lequel Gaston Kelman et Jacques Vergès rament à contre-courant des idées reçues sur l'Afrique et les Africains, sur l'Occident et les Occidentaux. En plein milieu de cette année 2004 où nous célébrons le bicentenaire de l'indépendance de Haïti : la première république noire indépendante et alors que le débat sur les valeurs républicaines en France semble se cristalliser autour de la question du voile et des signes religieux, ces deux auteurs ne manqueront à coup sûr pas de donner un coup de fraîcheur au débat sur l'intégration. Le débat est complexe. Les forces en présence, quant à elles, sont loin d'être des blocs monolithiques.

Dans Je suis Noir et je n'aime pas le manioc (éditions Max Milo), Gaston Kelman qui vit en France depuis vingt ans et se définit avant tout Bourguignon, dévide avec une verve féroce les lieux communs qui pèsent sur les Noirs, alternant le sérieux de son propos avec des anecdotes pathétiques, hilarantes et parfois cruelles. Tout en stigmatisant l'attitude de ceux qui considèrent qu'un Noir a certes de bons côtés : il se nourrit de manioc, il est rieur, enfantin, doué pour la musique (sauvage et rythmée, pas classique) mais que ce n'est ni très intelligent ni très cultivé, l'auteur jette aussi un regard lucide sur les Noirs "qui se complaisent trop souvent dans le rôle de victimes". Cet ancien directeur de l'Observatoire urbain de la Ville d'Evry milite activement pour l'intégration des Noirs.

Jacques Vergès est avocat, auteur de Les crimes d'Etat (éditions Plon). Après avoir défendu l'humble jardinier marocain Omar Raddad, Louise Yvonne Casetta : l'intendante du défunt RPR… il nous entraîne dans les coulisses des procès du FLN qui ébranlèrent la France et dont il fut l'un des acteurs les plus mémorables. Au-delà de l'impertinence, c'est un regard singulier, un rien désabusé et même une vision décalée qui caractérisent Jacques Vergès dans ce livre. Il s'y intéresse particulièrement aux personnes confrontées à deux logiques contradictoires : celle de l'Etat et celle de l'individu. Au Congo Belge (actuelle RDC), il nous guide avec Joseph Conrad au cœur des ténèbres de la colonisation. Avec Albert Speer, ministre de l'Armement de Hitler, il nous donne à voir le cœur décisionnaire de l'infernal Troisième Reich. Avec le général Aussaresses et l'exécuteur professionnel Deibler, il reconstitue pour nous, jour après jour, le vécu des bourreaux ordinaires, ceux par qui le crime d'Etat est souvent commis. Le crime d'Etat peut aussi déboucher sur une comédie judiciaire : procès manipulés donnés en pâture au peuple avide de spectacle, arènes judiciaires où la foule se presse pour voir la mise à mort… Puis il raconte une autre grande scène judiciaire de l'histoire nationale française, le procès de Louis XVI, le sacrilège fondateur de la République.

Inscription obligatoire : KEUMAYOU Louis Magloire

Tél : 06 15 73 75 96 - Télécopie : 01 56 40 50