Quatrième de couverture :
"Sur la photo de classe que j'ai pris la liberté de joindre à cette lettre, je suis la petite fille qui tient l'ardoise et l'instituteur est mon père. J'ai redécouvert cette photo quarante ans après et c'est d'un mouvement de curiosité nostalgique non dénuée de coquetterie intellectuelle que je me suis lancée à la recherche de mes anciens camarades de classe. Je n'avais que les souvenirs et les témoignages trop parcimonieux des miens ; je voulais la mémoire des autres.J'attendais une moisson de faits et de souvenirs innocents, car en rapport avec l'enfance ; j'ai reçu le choc atroce de récits de vies dénuées d'enfance. J'espérais des souvenirs aimables sur les amours de jeunesse ; j'ai eu en retour le spectacle affreux d'une jeunesse saccagée. J'appréhendais, vaguement certes, l'expression de sentiments d'animosité ou de vengeance à notre égard ; j'ai été submergée par un flot de confessions intimes où rien ne ressemble à la haine et qui me laissent sans voix."
À propos de cet ouvrage : "Au commencement était une photo de classe prise en 1955 dans une école d'Algérie ; des enfants, français et algériens, posent en compagnie de leur instituteur. Au premier rang, la fille de l'instituteur tient l'ardoise portant la mention du nom de l'école et celle de l'année scolaire en cours.Alors qu'elle réfléchit à un projet artistique sur l'Algérie, Claude-Alice Peyrottes - la fille de l'instituteur, aujourd'hui directrice de la compagnie de théâtre "Bagages de Sable"-, retrouve sa vieille photo de classe : elle décide d'en faire la base de son projet qui s'organiserait autour de la recherche de ses compagnons de photo. Sa démarche entendait mêler fiction et témoignage ; elle se résoudra finalement dans la seule dimension fictionnelle et trouvera son aboutissement dans le spectacle théâtral intitulé "La Mer Blanche du Milieu"."(Extrait de l'introduction par l'auteur, Genèse d'une fiction réaliste)Lettres à Jeanne a donc été écrit pour le théâtre, mais son écriture singulière, sous forme de correspondance épistolaire, en rend le texte accessible à la lecture par tous. Ce livre représente, en quelque sorte, la version longue du texte mis en scène et se lit comme un roman, un roman par lettres.L'écriture de Messaoud Benyoucef, d'une grande simplicité, entraîne le lecteur, au fil des lettres des correspondants de Jeanne, à la découverte d'un pays aux prises depuis plus de quarante années avec "la terrifiante matrone accoucheuse de l'histoire, la violence".Un texte fort, souvent drôle malgré la gravité du propos, à mettre absolument entre toutes les mains.